C’est au coeur de Zürich, que “Stadion Brache” a émergé en 2012. C’est à la fois un endroit magique, un jardin-forêt vivant et abondant, un lieu de vie associatif et familial, et un terrain de jeu formidable qui a pris forme à la périphérie de l’ancien stade du Hardturm. Plus de 200 personnes par jour y passent, lors des journées actives estivales: jardins familiaux, crèche en forêt, parc à cochons, formations, récoltes, un skate parc, un four à pizza etc. C’est Lorenz, un des pionniers de ce lieu, et son équipe qui s’en occupe, en gardiens du temple et animateurs.
J’ai eu la chance de visiter cet endroit et d’autres de la région zurichoise en septembre 2023 grâce à Paul Wieduwilt qui est étudiant en Master de botanique de Zürich, passionné de plantes comestibles et de jardins-forêts: il travaille sur un projet de revue détaillée des jardins-forêts en Suisse et nous avons eu l’occasion d’échanger à plusieurs reprises. Suite à nos échanges sur le Jardin-Forêt d'Eos et son passage en Suisse romande, l’idée d’aller visiter un projet en Suisse allemande a vite germé et éclos! Il a alors organisé une rencontre, permettant à notre association de rencontrer également Daniel Lis de l’association EssWaldLand, qui soutient la cause des jardins-forêts, de la permaculture et de l’agroforesterie en Suisse allemande. A ce groupe se sont joints Sophie, Dominik et Markus, qui travaillent sur un nouveau projet à Zürich, dont on aura l’occasion peut-être de parler dans quelques années…
Stadion Brache (le stadium “Friche”) est donc un projet alternatif remarquable: depuis 2012, on imagine l'immense travail réalisé et la force du végétal qui s’est fait une place impressionnante. On est tout de suite marqué par la verticalité de la végétation qui est en place: un immense peuplier domine la place au nord, un majestueux figuier trône proche des potagers, là encore un pêcher de plus de 4 mètres est installé au bord d’un chemin, plus loin c’est un immense prunier qui nous contemple. Au détour d’un chemin, on trouve quelques noix de noyer cordiforme et des cornouilles fruitières magnifiques.
Au centre du lieu se trouve un baraquement, qu’on devine habilement construit, agrandi et décoré, au cours des années. Il semble être un des points névralgiques : on y trouve un four à pizza, des tables, une cuisine, la photo des responsable et une série de panneaux indicateurs peint à la main: simple et efficace.
Dans cette zone, on trouve aussi un mur d’escalade, des place de repos où sont installées des tables qui sont bien appréciées en cette chaude journée.
Cet endroit pourrait être tiré d’un film, mais pourtant il est bien réel, tout comme l’école en forêt qui a lieu ce jour-là sous la canopée de robiniers faux-acacias: une petite équipe de bambins coupe des légumes, sous l’oeil bienveillant d’une éducatrice qui surveille le foyer qui sert à la cuisine, pendant que d’autres jouent à la balançoire. A deux pas de là, une petite cabane en bois de laquelle sort un toboggan pour billes en témoigne des moments de jeux mémorables qui doivent avoir lieux dans ce sous-bois. Juste à côté se trouvent deux cochons qui s’affairent dans leur enclos à l’abri du soleil.
Photo: la crèche en forêt. Qui n'aurait pas voulu vivre ça?
Nous poursuivons la visite sous la direction de Paul: de nombreux micocouliers se sont multipliés, preuve que ces arbres jouent un rôle essentiel comme source de nourriture pour de nombreux oiseaux du quartier, et pour les humains aussi.
Proche des carrés potagers gérés par des locataires à l’année, une étrange construction en dôme s’avère être un cabane, construite à l’aide de dizaines de vieilles roues de vélo. Il a été colonisé par la vigne qui donne une fraîcheur bienvenue à cette oeuvre d’art végétalisée.
Photo: deux jeunes en service civil. Quand travailler à du sens pour la communauté.
En chemin à deux pas du skate parc, nous rencontrons deux jeunes en train de tirer des charrettes: dans le cadre de leur service civil, ils participent à l’entretien et aux travaux sur le site. Encore une fois la dimension sociale des jardins-forêts se fait évidente : ce lieux permet de rassembler diverses couches sociales, générations et cultures, autour de projets communs.
Photo: Paul nous guide ici à travers la zone de rencontre et de repos, sous un immense micocouliers (Celtis australis).
Stadion Brache a aussi une importance pédagogique : de nombreuses activités de formation y ont lieu, telles que le travail des fermentations permettant de produire des fertilisants naturels, la production de biochar, des cours de permaculture, la production de trognes, le travail des paillages, etc.
Photo: Lorenz travaille sur la station de fermentation
Nous sommes au coeur de Zürich, dans un zone urbaine et pourtant, on se croit en campagne, car le regard tombe quasi partout sur du vert, les bruits de la circulations sont atténués et la frénésie urbaine semble s’être arrêtée à la limite de cette parcelle.
Mais soyons honnêtes, ce projet vivant et foisonnant est bien sûr toujours menacé par des intérêts économiques. La ville reste propriétaire du terrain, et ce quartier a depuis de nombreuses années fait l’objet de projets commerciaux aux multiples rebondissements: dernier en date, un stade de 18’000 places et une tour de logements est prévu dans les cartons…mais la voix du peuple semble être solide et la faillite Crédit Suisse a peut-être pu jouer en faveur de la résilience de ce lieu alternatif. La politique de gauche zurichoise a certainement su préserver les intérêts du vivant jusque-là.
Photo (© ribiblum.ch): projet de stade et centre d'affaires, ironiquement appelé "Ensemble", flanqué de quelques arbres ornementaux sans doute.
Mais malgré cette épée de Damoclès, ce projet est très encourageant à plusieurs titres: en 12 ans cet espace urbain où dominait le gazon et le béton a été transformé et métamorphosé. Des anciens terrains de foot en herbe, il ne reste pas de trace visible et grâce au travail de l’équipe de Stadion Brache, la vie a repris avec vigueur et abondance. Ce projet démontre aussi que le rôle social, rassembleur et collectif des jardins-forêts est puissant.
Bien sûr il y a beaucoup de travail derrière ce projet, de la sueur et probablement des larmes, de tristesse, mais certainement aussi des larmes de joie ! Nous leur en souhaitons beaucoup encore, ainsi qu'une bonne suite dans cette aventure, les projets qui gravitent autour et que ce lieu inspire d’autres projets. Merci à Paul pour l'organisation de cette visite: on se réjouit de lire son travail de Master!
Et vous? Quels lieux rêvez-vous de transformer, de réensauvager et de métamorphoser en espaces d’abondance du vivant?
Bonnes plantations 🌱🌳
Pour l'Association Jardin-Forêt Suisse ,
Samuel Dépraz
Référence :
Pour plus de détails, visitez le site du https://stadionbrache.ch/ et https://esswaldland.ch/