La nouvelle branche

Quand les envahisseurs deviennent une mine de vie

· jardin-foret commercial,biomasse,production,diversité,portrait

Yohan est graphiste-webdesigner-jardinier-forestier-agriculteur. Cela fait quelques années que ce natif de Voglans, petit village proche de Chambéry, cherchait un terrain pour réaliser son projet de jardin-forêt de production. Il l’a trouvé il y a 3 ans, ce terrain dont a priori personne ne voulait, dans son village, sur “sa” terre natale.

Ce lopin de terre pour beaucoup a priori difficile est pourtant une perle: un terrain profond et équilibré en argile-limon-sable, parcouru par de l’eau souterraine quasi toute l’année, une belle terre riche noire en surface, une biomasse en quantité et des vers de terre nombreux et actifs, témoins de cette invisible faune souterraine précieuse à la vie en surface et de nombreuses personnes passent ici pour se balader. Yohan a décidé de leur offrir une belle vitrine! Ce projet s’appelle “La nouvelle branche”: un projet de production commerciale de légumes et de fruits.

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Photo: une des premières terrasses aménagées, lieu de stockage dans plants. En-dessous, un verger de noisetiers piémontais de 2 ans est installé.

Ce terrain, juché à flan de colline abritait jadis des mines souterraines. Cette parcelle est située au bout d’un petit chemin en terre, et présente de sacrés défis: elle est en partie en pente, et l'endroit a été colonisé par de nombreux acacias, plus précisément, le robinier faux-acacia, Robinia pseudoacacia. Cet arbre tant détesté par le grand public, pour sa capacité à pousser rapidement et partout, pour son caractère épineux, est pourtant un allié du jardinier-forestier: précieux fixateur d’azote, producteur de biomasse hors-pair, utilisé depuis des années pour la fabrication de piquets quasi inputrescibles et précurseur indispensable de la forêt. Cette parcelle a aussi été colonisée par les ronces, ces communes envahisseuses indispensables et pouponnières forestières. Elles créent un terreau de surface de qualité et sont dotées de propriétés de symbiose mycorhizienne particulièrement intéressantes, liant le monde des champignons nécessaires aux herbacées, aux légumes et aux arbres fruitiers.

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Photo: les nouvelles terrasses après défrichage. La terre végétale est soigneusement déplaceée et déposée ensuite sur les terrasses.

Un autre envahisseur incompris sur cette parcelle est le buddleia, lui aussi tellement pointé du doigt: il produit beaucoup de graines et se plaît sur les terrains déstructurés et maltraités par nos activités de construction, de travaux de bords de route, de friches, etc. Lui aussi est ici vu plutôt comme un allié, qui attire les insectes, c'est un producteur-stockeur abondant de carbone et un précurseur de cette jeune forêt qui va abriter ici un jardin-forêt. Rappelons que la forêt est l’écosystème naturel sur une grande partie de notre planète Terre, quand on laisse les écosystèmes évoluer vers leur état stable.

Yohan pourrait être judoka: il a accompagne l'énergie de ces être vivants et a décidé d'en faire des alliés, pour lancer son projet sur ce terrain de 2ha. Il a pris le parti de prendre son courage a deux mains -gantées, car l’acacia est effectivement bien épineux, comme toute bonne plante pionnière- et s’est équipé de bon outils. D’une part, il s’est procuré une tronçonneuse électrique, pour défricher des zones et créer des zones d’entrée de lumière.

Pour circuler, Yohan a acheté une mini-pelle et a dessiné un chemin qui serpente entre le bas du terrain en pente et la zone de replat en haut du terrain. Cet outil est aussi indispensable pour creuser de profonds trous de plantations et permettre aux racines de coloniser rapidement les couches profondes.

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Photo: Plantation d'une haie brise-vent sur le haut du terrain, entouré de prairie et de pâturages. Ici les figuiers, nashis, cassis, grenadiers et pêchers sont en place et seront en production d'ici quelques années. Les bâches permettent de limiter l'enherbement et de garder l'humidité.

Pour déployer ce projet de jardin-forêt commercial, Yohan a décidé de créer des terrasses: là aussi, la mini-pelle est l’outil parfait, pas trop lourd et maniable. Les terrasses ainsi créées permettent de planter et de circuler à plat, et aussi retiennent l’eau de ruissellement, permettant ainsi une infiltration de l’eau en profondeur. L’achat de cette mini-pelle est encore un point important du succès de ce projet, car il permet de désoucher les acacias: le désouchage n’est souvent pas recommandé ailleurs, car le réseau de racines d’une plante est un puits de carbone et un fertilisant de long-terme. Pour Yohan, c’est un outil indispensable pour réduire la vitesse de retour des acacias et éviter leur repousse trop rapide (de l’ordre de 3 mètres par an, après la coupe d’un arbre, sans compter les rejets de racines). Les souches sont simplement posées en surface et serviront de carburant aux micro-organismes qui seront source de fertilité des futures plantations. Les acacias fournissent une quantité de bois permettant de construire des structures, des barrières, des treilles, etc. ou simplement de carbonner le sol.

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Photo: Les souches sont simplement déposées au sol. Elles fournissent des abris et des nutriment en se décomposant.

Le buddleia est utilisé aussi comme producteur de biomasse, attirant de nombreux pollinisateurs, et brise-vent pour le haut du terrain. C’est une plante idéale idéale pour protéger le sol à nu et permet, par des coupes successives de stimuler des cultures successives.

Comme dit plus-haut, ce terrain est situé en partie sur une ancienne mine. Aujourd’hui la mine est en surface: une mine de biomasse, une mine de micro-organismes et mine de vie sous toutes ses formes.

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Photo: une terrasse, avec du bois d'acacia entreposé pour le séchage.

Malgré la mini-pelle et la tronçonneuse qui constituent ce qu’on appelle parfois un “cocon-technologique” permettant de façonner ce paysage, c’est un travail de titan que Yohan réalise seul, avec détermination et courage.

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Photo: la mini-pelle, un autre alié indispensable dans cette phase d'installation.

Yohan vise un label d’agriculture bio, et cela implique de tracer la provenance de chaque plant et semence. Tout ce qui ne peut pas être garanti bio au départ suit un processus de reconversion bio de 3 ans, à partir duquel il est déclaré bio. C’est tout à fait compatible avec le temps long de la majorité des productions de fruits bio, qui ont besoin de temps pour s’installer et arriver en production. Chaque arbre plant est alors répertorié, noté sur le plan et détaillé: provenance, date d’achat, date de plantation, etc. Un travail précis et précieux.

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Photo: le plan de zonage et de plantation de la nouvelle branche.

 

En termes de production, Yohan joue la carte de la diversité à plusieurs niveaux: diversité d’activité, puisqu’en parallèle de ce projet, il est papa d’une petite fille qu’il voit grandir avec sa femme Elisabeth, web-designer-graphiste. Une stratégie permettant une transition souple vers sa nouvelle activité agricole. La diversité de plantations est aussi marquante: figuiers, nashis, lavandes, eucalyptus, noisetiers, sorbiers, tilleuls, ronces sans épine, chalef, grenadier, cassis, châtaigniers, etc. Déjà plus de 170 arbres et arbustes de productions ont été plantés et ça continue.

Il complétera cette palette d’arbres et arbustes de moyen et long-terme par une production maraichère, en partie sous serre, permettant de produire des annuelles avant que les petits fruits prennent le relais, puis les fruitiers et fruits à noix et à coque.

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Photo: une serre toute-neuve, élément indispensable dans un projet de maraîchage et de pépinière.

On se réjouit de suivre l’évolution de ce projet: si Yohan est aussi doué pour peindre que pour créer le jardin-forêt de la nouvelle branche, celle-ci ne va pas tarder à porter ses premiers fruits!

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Photo: Yohan devant sa dernière peinture d

Bonnes plantations et bonne suite à Yohan et à la nouvelle branche!